La problématique de l’affectation privée de véhicule d’entreprises représente une problématique TVA qui fait souvent l’objet de reprises lors de contrôles TVA. Bien déterminer les parts privées et le prix de location des véhicules est donc toujours un sujet d’actualité.
Véhicules d’entreprises et TVA : attention aux employés et propriétaires qui disposent de plus d’un véhicule de fonction !
La pandémie actuelle, qui sévit à l’échelle mondiale, impacte de nombreux domaines d’activités économiques. Par exemple, le prix du pétrole ou de l’essence de nos voitures ne cesse de diminuer, en raison d’une surabondance d’or noir, alors que de nombreux moyens de locomotion (avions, automobiles, bateaux de croisières, etc.) sont cloués au sol en raison des mesures de quarantaines prononcées par de nombreux pays ces dernières semaines.
L’essence est un bien vital pour faire fonctionner les entreprises et ses moyens de locomotion, notamment. A cet égard, nombre d’entreprises sont autorisées à enregistrer en comptabilité des véhicules, camions et autres moyens de locomotion dès lors qu’ils sont justifiés par le but commercial de l’entreprise.
Cependant, si on prend en exemple le cas particulier du véhicule d’entreprise celui-ci est, en pratique, rarement utilisé à 100% dans le cadre commercial de l’entreprise. Le fait est que, bien souvent, le véhicule est à mis à disposition de son détenteur (représentant de commerce, cadre supérieur, propriétaire d’entreprise, etc.) en permanence toute la semaine et cela 24h/24 et 7j/7.
Il est donc évident que des trajets privés sont effectués par le détenteur du véhicule. Pour cette raison et afin de mettre sur un pied d’égalité détenteurs et non détenteurs de véhicules de fonction, l’AFC Berne prend en considération l’utilisation privée faite par le détenteur d’un véhicule de fonction (ex. : utilisation les weekends) en exigeant de l’entreprise qu’elle comptabilise et déclare une part privée pour ce véhicule.
Cette part privée est soumise à la TVA au taux normal et a pour objectif ultime de corriger, d’une part, l’impôt préalable mis en compte préalablement sur les dépenses du véhicule grevées de TVA (ex. : achat du véhicule, mensualités de leasing, achat d’essence, réparations, etc.) et, d’autre part, le bénéfice net de l’entreprise.
Il existe toutefois des exceptions où il n’est pas nécessaire pour l’entreprise de devoir déclarer une part privée (ex. : véhicule utilitaire avec un équipement fixe – de type camionnette – aménagé pour les outils des artisans). La part privée véhicule se calcule, généralement, sur les voitures automobiles classiques.
Lorsqu’un seul véhicule d’entreprise (voiture de fonction) est utilisé par son détenteur, la part privée est généralement calculée au moyen de la méthode dite «forfaitaire des 0,8%». Cette méthode, qui est validée par l’Administration fédérale des contributions (AFC), consiste à appliquer le coefficient mensuel de 0,8% sur le prix d’achat du véhicule (hors TVA), puis à le multiplier par le nombre de mois utilisés.
Il ne reste ensuite plus qu’à appliquer la TVA au taux normal sur ce montant obtenu de part privée. Ce calcul de part privée est explicité au moyen de l’exemple suivant dans lequel une part privée est calculée pour une durée de 12 mois (source : AFC Berne) :
Prix d’achat CHF 43’000.- (sans TVA),
0,8% par mois = CHF 344.- par mois
Montant à déclarer (12 x CHF 344.-) = CHF 4’128.-
Calcul de l’impôt: 7,7 % de CHF 4’128.- (107,7%) = CHF 295,15
Ceci étant dit, les choses se compliquent lorsque plus d’une voiture de fonction est utilisée par son détenteur (ex. : deux voitures de fonction utilisées simultanément par le patron actionnaire d’une SA).
Le bon sens et la logique veulent en principe qu’une personne n’utilise qu’un seul véhicule à la fois. C’est pour cela que par le passé (surtout avant la révision fondamentale de la LTVA au 01.01.2010), lorsque le cas de figure se présentait où un détenteur utilisait deux ou plusieurs véhicules d’entreprise à la fois, l’AFC n’acceptait en général la mise en compte de l’impôt préalable que pour un seul véhicule, puis exigeait le calcul de la part privée annuelle pour corriger la part d’impôt préalable affectée à la sphère privée (ex : utilisation du véhicule les weekends).
S’agissant du deuxième véhicule (et des véhicules suivants), la déduction de l’impôt préalable n’était en principe pas acceptée, de même que l’enregistrement des dépenses relatives à ce deuxième véhicule. La raison de cela était que ce deuxième véhicule était alors considéré comme une dépense privée n’ayant rien à faire en comptabilité commerciale.
L’AFC a par la suite progressivement changé de doctrine en admettant l’enregistrement en comptabilité de plusieurs véhicules pour un seul détenteur (pour autant que la prépondérance d’utilisation commerciale des véhicules soit toutefois supérieure à 50%), mais en distinguant l’ajustement TVA, comme expliqué ci-après, entre le calcul de la part privée et le calcul d’un prix de location.
Comme il a été dit, d’une manière générale, un employé ou propriétaire d’entreprise n’a besoin que d’un véhicule de service pour accomplir ses tâches professionnelles (ex : représentant de commerce afin d’aller rendre visite à ses clients).
Toutefois, lorsqu’une entreprise met deux (ou plus de deux) véhicules d’entreprise à la disposition d’un employé ou du propriétaire, elle doit alors prouver la nécessité pour cette personne de disposer de deux (ou plus de deux) véhicules pour accomplir ses tâches professionnelles. Cette preuve peut être apportée au moyen des livres de bord ou d’autres documents probants.
Si cela n’est pas possible, l’AFC considère alors que ces véhicules sont des biens de location qui sont mis à la disposition de l’employé ou du propriétaire à des fins privées par l’entreprise.
Cette évaluation faite par l’AFC a ainsi pour conséquences, sous l’angle TVA, que l’entreprise peut déduire les montants d’impôt préalable grevant les investissements (achat du véhicule) et les dépenses y afférentes (achat d’essence, réparations du véhicule, etc.).
En revanche, l’entreprise doit calculer la contrepartie de la location selon la méthode de prise en compte de l’ensemble des coûts, c’est-à-dire tous les frais d’exploitation, les amortissements calculés au taux de 10% par année, les frais d’assurances, les impôts, ainsi qu’un supplément pour les frais généraux et le bénéfice à raison de 10% de l’ensemble des coûts ainsi calculés.
La contre-prestation ainsi obtenue pour cette location sera décomptée à la TVA au taux normal, au même qu’une part privée. Ce calcul du prix de location est démontré, ci-après, au moyen d’un exemple de mise à disposition d’un véhicule de fonction pour une durée de 12 mois (source : AFC Berne) :
Exemples de calcul de l’ensemble des coûts
Suppositions : en CHF
Prix d’achats du véhicule, TVA 7,7% incluse 107’700.00
Coûts d’exploitation sur une année, TVA 7,7% incluse 10’770.00
Assurances et impôts sur une année 4’000.00
Location annuelle de la place de stationnement, TVA 7,7% incluse 1’077.00
Coûts d’exploitation comptabilisés sur une année (nets) 10’000.00
Assurances et impôts sur une année 4’000.00
Location annuelle de la place de stationnement (nette) 1’000.00
Amortissement (10% de CHF 100’000.-) 10’000.00
________
Total des coûts 25’000.00
Supplément de 10% pour frais généraux et bénéfice 2’500.00
_________
Base de calcul de l’impôt 27’500.00
dont 7,7 de TVA (100%) = TVA due 2’117.50
Remarque importante : ce n’est pas le prix d’achat qui détermine quel est le véhicule d’entreprise, parmi ceux simultanément mis à disposition d’un employé ou propriétaire, qu’il faut attribuer à l’utilisation à des fins commerciales (=véhicule pour lequel une part privée sera calculée), mais bien l’usage précis qui en sera fait dans l’entreprise.
En résumé, il est donc important pour une entreprise de déterminer exactement, lors de l’acquisition de véhicules, quelle sera l’affectation précise de ces derniers. En effet, il faut se rappeler qu’en fonction de l’affectation qui sera fait des véhicules, en dépendra ensuite la forme du calcul de l’ajustement TVA et son ampleur (calcul d’une part privée, d’un prix de location ou s’agit-il au contraire d’une dépense non justifiée commercialement ?).
En définitive cet ajustement TVA impactera, d’une part, les comptes de l’entreprise (ex. : comptabilisation d’une part privée ou d’un prix de location qui est un produit en comptabilité qui augmentera le bénéfice net; paiement de la TVA sur ce produit) et, d’autre part, le certificat de salaire du détenteur du véhicule (déclaration d’un salaire en nature).
Finalement, il faut savoir que l’affectation privée des véhicules d’entreprises représente une problématique fiscale qui fait notamment souvent l’objet de reprises TVA lors de contrôles opérés par l’AFC. Il est donc d’autant plus important de ne pas prendre à la légère ce problème fréquemment rencontré en entreprise.