Suite à la publication de notre article traitant de la déduction de l’impôt préalable, nous vous invitons à découvrir aujourd’hui dans quels cas une correction de cette déduction doit être effectuée et indiquée dans votre décompte TVA en fin d’année.
Olivier Németi, expert en TVA Suisse et formateur chez BetterStudy, expose ici les principes généraux et développe deux méthodes de calcul.
Vous apprendrez notamment que la loi vous autorise à utiliser votre propre méthode de calcul, pour autant que celle-ci conduise à un résultat correct, soit documentée et appliquée pendant une période fiscale au minimum.
Dans notre cours complet sur la TVA, vous pourrez découvrir d’autres méthodes, comme l’application de forfaits par exemple qui a l’avantage de vous faire gagner un temps considérable.
La correction de la déduction de l’impôt préalable, appelée communément réduction de l’impôt préalable (=REDIP) dans le jargon TVA, est étroitement liée à la déduction de l’impôt préalable (=DIP).
La REDIP a le plus fréquemment lieu en raison de la réalisation de chiffres d’affaires exclus du champ de l’impôt, souvent parallèlement à la réalisation d’autres chiffres d’affaires de nature imposable.
Il faut savoir que les charges, dépenses et investissements grevés de TVA, qui sont acquis par l’entreprise afin de « produire » des revenus ou chiffres d’affaires exclus, ne donnent pas droit à la déduction de l’impôt préalable (DIP). La plupart des autres chiffres d’affaires donnent, par contre, le droit à la DIP (exceptions : subventions, prélèvements privés).
Pour des raisons pratiques, l’impôt préalable est parfois récupéré, dans un premier temps, en intégralité par l’entreprise. Cet impôt préalable est ensuite corrigé, dans un deuxième temps et en fin d’année, en raison de l’obtention de chiffres d’affaires exclus. Une clé de correction sera calculée pour permettre la REDIP annuelle. Dans ce cas de figure bien précis, on parle aussi de REDIP effectuée en raison de la double affectation des charges (charges affectées à la réalisation de chiffres d’affaires exclus, qui ne donnent pas droit de déduire l’impôt préalable, ainsi qu’à la réalisation de chiffres d’affaires de nature imposable qui donnent eux, par contre, le droit à déduire l’impôt préalable).
Ainsi, il faut savoir que dès le moment où l’entreprise réalise des chiffres d’affaires exclus ou encaisse des subventions, par exemple, le droit de récupérer l’impôt préalable à 100% sera compromis ! Il faudra donc effectuer une REDIP en fin d’année pour tenir compte de cet état de fait.
En entreprise, les cas les plus fréquents de REDIP qui sont rencontrés sont ceux où, en fin d’année, il faut procéder à une correction suite à la réalisation de revenus exclus provenant de revenus d’intérêts financiers ou de loyers.
Il faut aussi noter que le principe de la REDIP est souvent le même, que l’on ait affaire à des cours de formation (CA exclus), revenus d’intérêts financiers (CA exclus) ou des loyers (CA exclus), par exemple.
Principes généraux concernant la correction de la déduction de l’impôt préalable
Par «correction ou réduction de la déduction de l’impôt préalable» faisant suite à un cas de double affectation, il faut comprendre ce qui suit :
L’assujetti qui utilise des biens, des parties de biens ou des services
- en partie hors de son activité entrepreneuriale (besoins privés)
ou
- qui, dans le cadre de son activité entrepreneuriale, les utilise à la fois pour des prestations donnant droit à la déduction de l’impôt préalable et pour des prestations n’y donnant pas droit (CA exclus)
doit corriger le montant de l’impôt préalable en proportion de l’utilisation qui en est faite (art. 30, al. 1, LTVA).
Exemple :
Un commerce de cycles et motos installé à Fribourg, qui est assujetti TVA, a pour activité principale la vente de cycles, motos, vêtements et accessoires de cycles et moto (= chiffre d’affaires de nature imposable) qui représente une activité entrepreneuriale donnant droit à la déduction de l’impôt préalable. Le commerce salarie également du personnel qualifié qui dispense de la formation de réparation de cycles ainsi que des cours de conduite et de perfectionnement sur moto à des apprentis-conducteurs (= chiffre d’affaires exclu, art. 21, al. 2, ch. 11 LTVA); il s’agit ici d’une activité entrepreneuriale ne donnant pas droit à la déduction de l’impôt préalable.
Concernant les prestations qui sont certes utilisées dans le cadre des activités entrepreneuriales, mais qui ne peuvent être attribuées directement et clairement à une activité concrète, la déduction de l’impôt préalable doit être corrigée en proportion de l’utilisation qui en est faite pour chaque activité. Les frais d’infrastructure (ex. : achat d’un ordinateur, de mobilier de bureau, d’une photocopieuse), les frais généraux liés à l’énergie (électricité, eau, chauffage) ou l’achat de matériel de bureau (stylos, crayons, papier, enveloppes) sont des exemples typiques de «double affectation» : cela signifie que ces dépenses sont généralement affectées aussi bien aux activités de commerce imposables qu’à l’école de conduite et à la formation exclue du champ de l’impôt.
Lorsque de tels dépenses et investissements sont affectés de manière prépondérante, dans le cadre de l’activité entrepreneuriale, à la fourniture de prestations donnant droit à la déduction de l’impôt préalable, celui-ci peut être déduit dans sa totalité et corrigé à la fin de la période fiscale (art. 30, al. 2, LTVA).
Méthodes de calcul en lien avec la REDIP
Lors du choix de la méthode de correction, il faut veiller à ce que la méthode choisie :
- conduise à un résultat correct
- soit appliquée pendant une période fiscale au moins.
L’assujetti peut choisir une ou plusieurs méthodes pour calculer la correction de la déduction de l’impôt préalable, pour autant que cela conduise à un résultat correct (art. 68, al. 1, OTVA).
Est considérée comme appropriée toute application d’une ou de plusieurs méthodes qui :
- tient compte du principe de l’économie de la perception
- est compréhensible sous l’aspect économique
- répartit l’impôt préalable conformément à l’utilisation pour une activité déterminée (art. 68, al. 2, OTVA).
Voici deux méthodes de correction de la déduction de l’impôt fréquemment utilisées :
Correction de la DIP en fonction de l’affectation effective
Pour le calcul de la correction de l’impôt préalable en fonction de l’affectation effective (art. 65, let. a, OTVA), les principes mentionnés ci-dessous sont à appliquer strictement :
Les montants d’impôt préalable sur l’ensemble des dépenses et investissements
- qui peuvent être directement attribués aux activités donnant droit à la déduction de l’impôt préalable sont entièrement déductibles
- qui peuvent être directement attribués aux activités non entrepreneuriales ou aux activités entrepreneuriales ne donnant pas droit à la déduction de l’impôt préalable, ne sont pas déductibles
- qui sont doublement affectés et ne peuvent donc être attribués directement et clairement, doivent être corrigés correctement et raisonnablement (selon des critères effectifs et à l’aide d’une clé de répartition appropriée)
Correction de la DIP au moyen de calculs propres
Il est laissé au libre choix de l’assujetti de procéder à la correction de la déduction de l’impôt préalable en fonction de l’affectation effective, ou au moyen des forfaits susmentionnés ou encore par le biais de calculs qu’il a effectués lui-même (art. 65 OTVA). Toutes les méthodes doivent permettre d’obtenir un résultat correct (art. 68 OTVA).
Les méthodes les plus fréquemment utilisées sont les suivantes :
La méthode des 3 pots
La méthode des trois pots consiste à attribuer les montants d’impôt préalable à trois pots différents. Les montants d’impôt préalable attribués au pot C entraînent une correction de la déduction de l’impôt préalable.
La correction des montants d’impôt préalable attribués au pot C peut, par exemple, être calculée de la manière suivante :
- quotient des surfaces ou locaux (m2 ou m3) utilisés pour les prestations exclues du champ de l’impôt et les prestations non entrepreneuriales
- quotient des heures de travail effectuées dans le cadre de la fourniture de prestations (secteur des prestations de services)
- quotient de l’effectif du personnel affecté à un centre de coûts par rapport à l’effectif total du personnel
- proportion des contre-prestations provenant, d’une part, des activités entrepreneuriales ne donnant pas droit à la déduction de l’impôt préalable et, d’autre part, des activités non entrepreneuriales, cela par rapport à la totalité des contre-prestations déterminantes
- proportion des bénéfices bruts provenant d’activités entrepreneuriales ne donnant pas droit à la déduction de l’impôt préalable par rapport aux bénéfices bruts provenant de toutes les activités donnant droit à la déduction de l’impôt préalable (selon la méthode de «l’unité de la prestation»; chiffre d’affaires global corrigé, c.-à-d. ajusté par la prise en compte des dépenses directement attribuables)
La clé de répartition basée sur le chiffre d’affaires
Dans cette variante, la correction de l’impôt préalable est effectuée sur l’ensemble des dépenses et des investissements en fonction de la composition du chiffre d’affaires total déterminant.
Si, pour la correction de l’impôt préalable, on se base entièrement ou en partie sur les proportions du chiffre d’affaires, le chiffre d’affaires global (sans TVA) est en principe déterminant pour la correction.
Les recettes mentionnées ci-dessous, à titre d’exemples, ne doivent pas, lors du calcul de la correction de l’impôt préalable, être intégrées dans la clé de répartition basée sur le chiffre d’affaires :
- les recettes provenant de prestations ou d’activités, dans la mesure où les forfaits correspondants sont déjà appliqués pour la correction de l’impôt préalable
- les recettes ne déclenchant pas de correction de l’impôt préalable, telles que les impôts compris dans la contre-prestation (impôt sur les billets d’entrée, impôt sur les droits de mutation, TVA due sur la prestation), ainsi que d’autres postes de passage visés à l’art. 24, al. 6, let. b, LTVA
- les recettes provenant d’éléments ne faisant pas partie de la contre-prestation pour lesquels une réduction de la déduction de l’impôt préalable doit être effectuée (18, al. 2, let. a à c en relation avec l’art. 33, al. 2, LTVA)
- les recettes provenant d’éléments ne faisant pas partie de la contre-prestation selon l’art. 18, al. 2, let. d à i et k, LTVA.
Décompte TVA et déclaration
Les corrections de l’impôt préalable en raison de la double affectation des charges (dépenses et investissements) doivent être déclarées dans le formulaire de décompte TVA sous chiffre 415.
Concernant les montants qui ne sont pas considérés comme faisant partie de la contre-prestation, les chiffres 900 ou 910 doivent être utilisés.
En résumé sur la REDIP
La correction de la déduction de l’impôt préalable ou réduction de l’impôt préalable (=REDIP) doit être envisagée dans les cas de figure suivants surtout :
- Réalisation de chiffres d’affaires exclus
- Obtention de subventions ou similaires
Aucune REDIP ne doit être effectuée, notamment suite :
- Au versement de dons
- A l’encaissement de dividendes
- A l’encaissement de dommages-intérêts
Concernant la REDIP en elle-même, il faut se rappeler que :
- Il existe plusieurs méthodes de REDIP. En pratique, un mélange de méthodes est possible. Ce qui est le plus important est de faire une correction et qu’elle tienne la route, c’est-à-dire qu’elle paraisse correcte, sans trop avantager ou désavantager l’AFC ou le contribuable.
- La REDIP avec la clé en % du chiffre d’affaires est très fréquemment utilisée car facile à appliquer. La méthode des % peut aussi se faire avec d’autres critères que celui du chiffre d’affaires, tels qu’avec les m2 ou m3, dans le domaine de la construction, par exemple.