Un projet de la réforme fiscale a été soumis le 19 mai aux citoyens. Une initiative qui peut encourager les petites et moyennes entreprises en Suisse à accorder plus de bonus et à cotiser plus à la prévoyance professionnelle.
En même temps, il y a risque de revoir à la baisse les dividendes versés aux cadres. Évidemment il faut s’attendre à des variations entre les différents cantons.
Cette refonte fiscale peut affecter la structure des salaires accordés aux cadres des PME, tout en influençant les avoirs de prévoyance professionnelle de la classe moyenne. Autrement dit, le vote aura des répercussions fiscales mais aussi sur l’AVS et même sur le 2ème pilier.
Cette situation présente un réel dilemme pour les dirigeants qui doivent trancher entre l’augmentation des salaires et des bonus, au regard de l’aggravation de l’imposition des dividendes ou le maintien voire la diminution des dividendes. Ils doivent également prendre en considération l’effet sur la prévoyance professionnelle.
Effet variable de la réforme en fonction des cantons.
L’impact de la réforme fiscale diffère d’un canton à un autre et du taux d’imposition appliqué sur le revenu, comme le souligne Denis Boivin, expert fiscal diplômé chez BDO à Fribourg. La refonte s’oriente vers une diminution du taux d’imposition des entreprises, et en même temps l’augmentation de l’imposition des dividendes, applicable pour les actionnaires détenant au minimum 10 % du capital social de la société de capitaux ou de la société coopérative.
Cette situation ne va pas impacter les petits investisseurs, seuls les dirigeants et les cadres des PME auront à subir la double imposition économique, une fois sur le bénéfice puis sur le dividende. Cette double imposition économique a fait que les cantons n’appliquent pas d’imposition sur la totalité du versement du dividende.
Pour les actionnaires, le dividende présente l’avantage de ne pas être imposable sur le montant total du versement, en plus il n’est pas soumis aux cotisations sociales sous réserve d’exceptions (participations appartenant la fortune commerciale d’une personne physique). Il se révèle très attractif pour les PME qui choisissent de verser un dividende élevé et un salaire plus bas, sous réserve de l’abus fixé par la jurisprudence du Tribunal fédéral (requalification du dividende en salaire par les assurances sociales).
Toutefois la situation risque de changer avec l’adoption de la refonte fiscale, comme le précisent justement Mario Lazzarini, expert fiscal diplômé chez PensExpert et Max Ledergerber, partenaire auprès de LL Steuerberatung & Treuhand GmbH. La réforme peut changer la donne en poussant les entreprises à augmenter les salaires, les bonus et les rachats LPP dans le domaine obligatoire et surobligatoire, au détriment du dividende.
Pour une société anonyme, l’augmentation des rémunérations et des cotisations sociales se traduit par une hausse des charges de l’entreprise, une baisse du profit et par ricochet, la diminution de l’impôt sur le bénéfice (impôt communal, impôt cantonal et impôt fédéral direct).
Pour un actionnaire qui détient au moins 10 % du capital social d’une société de capitaux ou d’une société coopérative, avoir une rémunération élevée, se traduit par des cotisations sociales plus importantes notamment au niveau des versements à la prévoyance professionnelle. En contrepartie, le revenu imposable sera moins important et donc un impôt sur le revenu plus bas.
Variations entre les cantons suisses
La réforme fiscale prévoit que l’imposition du dividende au niveau cantonal s’élève au moins à 50 %, alors qu’au niveau fédéral, elle doit passer de 60 à 70 %. La valeur de l’impôt varie donc en fonction des cantons et les écarts peuvent être importants.
A Bâle-ville par exemple, la base imposable concerne 80 % du dividende, alors qu’à Zurich et Zoug l’impôt ne concerne que 50% du dividende. En supposant que la refonte fiscale soit adoptée, on s’attend à ce que le taux de l’impôt sur le bénéfice à Fribourg passe de 19,86 à 13,72 %.
En même temps, la base imposable des dividendes sera revue à la hausse en passant de 50% à 70%. Ceci va inciter les actionnaires à augmenter leurs revenus après impôt au regard de la baisse de l’impôt sur le bénéfice.
D’un autre côté, Vaud n’enregistre pas de changement au niveau de l’imposition des dividendes qui se situe à 70 %. Tandis que l’impôt sur le bénéfice sera révisé à la baisse en passant de 20,95 à 13,79 % et qui est en application depuis 2019.
Dans le cas de Neuchâtel les dividendes sont imposés à 60 % au lieu de 50 %, au moment où l’impôt sur les bénéfices est revu à la baisse en passant de 15,6 à 13,4%.
D’après le droit fédéral en application actuellement en Suisse, les dividendes sont imposés à raison de 60 % s’ils proviennent d’une fortune privée et à 50 % lorsqu’ils sont d’origine commerciale.
En ce qui concerne le droit cantonal appliqué à Genève, il adopte les mêmes dispositions alors que le conseil d’État suggère la révision de l’imposition partielle sur les dividendes provenant de la fortune privée de 60 à 70 % et celle d’origine commerciale de 50 à 60 %.
Qu’en est-il des indépendants ?
Denis Boivin conseille aux indépendants de bien étudier les différentes composantes fiscales. En effet, en cas d’un vote favorable à la refonte fiscale, certains d’entre eux peuvent être tentés de modifier leur forme juridique en devenant des sociétés de capitaux.
Il faut s’attendre à de grands changements au cours du 2ème semestre de cette année. De son côté Jörg Odermatt, directeur de PensExpert, estime que les différentes structures vont consulter leurs conseillers et fiduciaires avant d’entreprendre une quelconque modification.
La prévoyance professionnelle, quel impact ?
La refonte fiscale va avoir un impact sur la prévoyance professionnelle. En effet, il faut s’attendre à des rémunérations plus importantes et des rachats LPP. Dès lors, un responsable dans une structure aura un revenu imposable moins élevé et un avoir de vieillesse plus conséquent.
Autrement dit, un cadre d’une entreprise bénéficiera d’une meilleure couverture contre les risques d’invalidité et de décès, tout ton constituant un capital de prévoyance des plus généreux. Il est à noter que le versement du capital après la retraite bénéficie d’un taux d’imposition privilégié.
Le vote de la réforme fiscale représente une chance pour l’évaluation et la planification de la prévoyance. Cette réforme est approuvée à contrecœur par Jörg Odermatt, qui n’hésite pas à réprouver l’introduction de la prévoyance professionnelle de la classe moyenne dans la refonte fiscale.
Une initiative entreprise par l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS). Jusque-là un salarié qui poursuit une activité professionnelle à 50% jusqu’à l’âge de 68 ans, peut prétendre à de meilleures conditions de retraite.
Il peut choisir de garder la totalité de son avoir de vieillesse dans la caisse de pension pour bénéficier d’un taux de conversion plus élevé, une fois il décide d’arrêter toute activité à 68 ans.
Tandis qu’après la réforme, s’il décide de travailler à 50%, il serait obligé de retirer 50% de son avoir à 65 ans. Dès lors, il ne peut avoir droit à un taux de conversion supérieur, associé au report de l’âge de retraite.