Faut-il mettre une photo dans son CV ou pas? Dans un précédent article, nous avons vu ce qui compte le plus dans un CV et que le CV est le document le plus important. En effet, c’est le document que les recruteurs consultent en premier. Alors, quid de la photo dans le curriculum vitae?
Nous poursuivons notre série d’articles liés au domaine des ressources humaines qui se base sur les sciences, en l’occurrence la psychologie du travail. Dans ce deuxième article sur le monde du travail et la recherche d’emploi, nous vous proposons de savoir une bonne fois pour toutes s’il est conseillé, ou pas, de mettre une photo dans son CV.
Mettre sa photo dans le CV ou pas? Telle est la question…
« Ces types des RH ne me comprennent pas. Il faudrait vraiment qu’ils me voient, qu’ils voient quel type de personne je suis ! Hm, peut-être si je mettais une photo ? Non… ça fait narcissique. En même temps, je suis quand même assez beau gosse ».
On pourrait débattre pendant des heures sur le sujet et trouver un nombre aussi volumineux de pour et de contre pour mettre ou pas une photo dans son CV. Mais bien souvent, cela crée plus de confusion qu’une vraie réponse à la question :
- est-ce qu’incruster une photographie de soi sur son CV représente réellement un avantage ou non ?
Heureusement, plusieurs études ont exploré cette question, donnant ainsi plusieurs recommandations et précautions qui seront étudiées dans cet article.
A noter qu’il sera ici question de la perception des recruteurs relativement à la présence ou non d’une photographie ainsi qu’à la morphologie du candidat/de la candidate. Des aspects propres à la photographie en soi (tels que le type de luminosité, la position, le cadrage ou encore la balance des couleurs) ne seront pas traités ici.
Conditions favorables à présenter une photo dans son CV
Comme mentionné dans le précédent article sur le CV, les recruteurs portent principalement leur attention sur des aspects tels que l’expérience professionnelle ou les diplômes obtenus. Cependant, cela ne signifie pas pour autant que d’autres aspects ne peuvent pas pour autant avoir un effet. Spécialement, si vous manquez d’expérience.
En fait, il semblerait qu’incruster une photographie sur un CV ayant peu de références augmente significativement les chances d’être invité à un entretien d’embauche (Watkins & Johnston, 2000). Cela dit, retenez la précision « CV ayant peu de références ». Par-là, on entend donc qui a peu d’expérience professionnelle, de diplômes ou autres distinctions. Si ces aspects-là sont déjà nombreux et pertinents dans le CV, une photographie ne fera pas de différence (Watkins & Johnston, 2000).
Autrement dit, si vous êtes un étudiant fraîchement sorti des bancs des auditoires, par exemple, ajouter une image de vous s’avèrerait être un plus. Par contre, si vous avez accumulé 25 ans d’expérience en tant que directeur.trice marketing ou des finances, reçu des prix pour votre travail et qu’en plus vous avez réalisé un doctorat (PhD) en physique nucléaire à côté juste pour le fun, incruster une photographie sur votre CV n’aura certainement aucune valeur ajoutée.
Sa photo dans le CV… Pas un peu narcissique ?
Une question qui peut se poser est relative à l’image que peut véhiculer une telle photographie. Typiquement, certaines personnes pourraient craindre de véhiculer une mauvaise image d’elles-mêmes au recruteur. Par exemple, est-ce que mettre une photographie de soi ne laisserait pas penser que l’on est superficiel ?
En réalité, il semblerait que les recruteurs soient tout aussi efficaces à évaluer la personnalité des candidats qu’ils aient accès à une photographie ou non (Frauendorfer, Schmid Mast, & Sutter, 2015). Selon la même étude, cette relation reste faible quoi qu’il en soit, mais quand même meilleure que le hasard. Autrement dit, la perception de la personnalité des candidats ne devrait pas être particulièrement biaisée par une photographie.
Une exception existe cela-dit par rapport à l’agréabilité. En effet, les recruteurs semblent être moins compétents pour évaluer correctement cet aspect de la personnalité s’il n’y a aucune photographie sur le CV (Frauendorfer et al., 2015).
Pour les plus curieux, par agréabilité on entend des caractéristiques telles que l’altruisme, la capacité de compréhension des autres ou encore la recherche de relations harmonieuses (McCrae & Costa, 2003). De manière générale, ce trait de personnalité est le plus difficile à évaluer sans avoir la personne en face de soi (Borkenau & Liebler, 1992).
Notez, en revanche, qu’il est question ici de capacité à évaluer correctement la personnalité des candidats, et non pas l’évaluer plus ou moins favorablement. Autrement dit, si vous êtes effectivement quelqu’un de particulièrement narcissique, que vous vous en rendez compte et que vous souhaitez éviter que l’on s’en rende compte, alors il serait peut-être mieux d’éviter la photographie. Si vous n’avez rien à vous reprocher sur ce point, alors vous pouvez probablement vous le permettre.
L’effet de la beauté, du sexe et l’interaction des deux
La question de la présence ou absence d’une photographie dans le CV est bien belle. Mais quid de l’effet de l’apparence de la personne sur la photo? Est-ce que les personnes jugées plus belles ont un avantage ou au contraire ? Étonnamment, il n’existe pas de réponse unique à cette question.
Premièrement, différents aspects du physique tendent à avoir des effets différents sur la perception des candidats par les recruteurs. Par exemple, les personnes ayant des visages ayant l’air plus matures (visages plus carrés entre autres) auront tendance à être jugées comme ayant plus de pouvoir, moins sincères et plus aptes à des postes demandant des compétences techniques (Copley & Brownlow, 1995).
Une autre étude montrait que les personnes présentant des signes d’obésité, quant à elles, étaient jugées comme faisant preuve de moins d’autodiscipline, mais plus aptes à des postes de supervision ou même à faire preuve d’apparence professionnelle (Rothblum, Miller, & Garbutt, 1988).
Deuxièmement, la beauté physique tend à avoir un effet différent suivant le poste auquel l’on postule, mais aussi en fonction du sexe du/de la postulant. Par exemple, les personnes considérées comme attractives tendent à être discriminées par les recruteurs lorsqu’elles postulent pour un poste considéré comme peu intéressant (Lee et al., 2018).
Pour ce qui est du genre en particulier, les recruteurs masculins tendent à favoriser le recrutement d’autres hommes dans les postes majoritairement masculins (Koch, D’Mello, & Sackett, 2015). Pour ce qui est des postes à majorité féminine (Miller & Routh, 1985), les recruteurs comme les recruteuses tendent à favoriser les hommes (Koch et al., 2015).
Des exceptions existent cela dit, comme dans le domaine de la psychologie scolaire par exemple (Miller & Routh, 1985). Reste que, dans la plupart des cas, il semblerait que mettre des indicateurs, telle qu’une photographie donc, que vous êtes bel et bien un homme tend à être favorable.
Pour continuer dans ce sens, il semblerait que la beauté physique des candidats masculins améliore leurs chances dans l’obtention de postes hiérarchiquement hauts placés. Pour les femmes postulant au même type de poste, en revanche, la beauté tend à être un désavantage (de Bosscher & Desrumaux-Zagrodnicki, 2002).
Nuances, nuances
Si l’on résume donc, bien que l’évaluation de la personnalité ne semble pas particulièrement biaisée par la présence d’une belle photographie, celle-ci peut s’avérer avantageuse pour les personnes ayant un CV avec peu de références.
Cependant, elle peut aussi être défavorable ou favorable en fonction du poste et des stéréotypes associés au type de personne que vous êtes.
Toutefois, il est bon de rappeler que bon nombre des études qui trouvent des différences de jugement en fonction de l’apparence ou du sexe lors du processus de recrutement commencent à dater. En effet, des études plus récentes tendent à montrer des effets moins prononcés (Paik, Shahani-Denning, & Griffeth, 2014).
Mais surtout, s’il ne fallait retenir qu’une information, c’est que l’apparence physique, et par extension une photographie sur un CV, aura plus d’influence si le CV est maigre en termes de contenu.
Autrement dit, plus vous aurez clairement indiqué vos expériences professionnelles, diplômes ou autres accomplissements sur votre CV, moins tous ces biais relatifs à l’apparence et au sexe auront de l’importance (Koch et al., 2015; Paik et al., 2014; Watkins & Johnston, 2000).
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Quelle est votre sentiment en tant que candidat par rapport à la photo dans le CV? Pensez-vous que cela a aidé dans votre cas?
En tant que recruteur ou recruteuse, quelle est votre expérience en la matière? Êtes-vous influencé par le CV que les candidats mettent dans leur CV?
L’auteur se base sur les sciences en psychologie du travail pour rédiger ses articles pour l’institut BetterStudy :
Références – articles scientifiques
Borkenau, P., & Liebler, A. (1992). Trait inferences: Sources of validity at zero acquaintance. Journal of Personality and Social Psychology, 62(4), 645‑657. https://doi.org/10.1037/0022-3514.62.4.645
Copley, J. E., & Brownlow, S. (1995). The Interactive Effects of Facial Maturity and Name Warmth on Perceptions of Job Candidates. Basic & Applied Social Psychology, 16(1/2), 251‑265. https://doi.org/10.1080/01973533.1995.9646112
de Bosscher, S., & Desrumaux-Zagrodnicki, P. (2002). Effet du sexe, de l’apparence physique et de l’internalité/externalité des candidats sur les décisions de recruteurs féminins et masculins pour des postes de managers et de conseillers. Management International, 7(1), 11‑21.
Frauendorfer, D., Schmid Mast, M., & Sutter, C. (2015). To include, or not to include? Accuracy of personality judgments from resumes with and without photographs. Swiss Journal of Psychology/Schweizerische Zeitschrift für Psychologie/Revue Suisse de Psychologie, 74(4), 207‑215. http://dx.doi.org/10.1024/1421-0185/a000163
Koch, A. J., D’Mello, S. D., & Sackett, P. R. (2015). A meta-analysis of gender stereotypes and bias in experimental simulations of employment decision making.Journal of Applied Psychology, 100(1), 128‑161. http://dx.doi.org/10.1037/a0036734
Lee, M., Pitesa, M., externe, L. vers un site, fenêtre, celui-ci s’ouvrira dans une nouvelle, Pillutla, M. M., & Thau, S. (2018). Perceived entitlement causes discrimination against attractive job candidates in the domain of relatively less desirable jobs. Journal of Personality and Social Psychology, 114(3), 422‑442. http://dx.doi.org/10.1037/pspi0000114
McCrae, R. R., & Costa, P. T. J. (2003). Personality in adulthood: a five-factor theory perspective(2nd ed..). New York ; London: The Guilford Press.
Miller, D. A., & Routh, D. K. (1985). Where women win: Supervisors of school psychologists prefer female job candidates. Professional Psychology: Research and Practice, 16(1), 42‑49. http://dx.doi.org/10.1037/0735-7028.16.1.42
Paik, L. S., Shahani-Denning, C., & Griffeth, R. W. (2014). An Examination of Attractiveness Biases in the Context of Hiring Through Social Networking Sites. Journal of Organizational Psychology, 14(1), 52‑66.
Rothblum, E. D., Miller, C. T., & Garbutt, B. (1988). Stereotypes of obese female job applicants. International Journal of Eating Disorders, 7(2), 277‑283. https://doi.org/10.1002/1098-108X(198803)7:2<277::AID-EAT2260070213>3.0.CO;2-2
Watkins, L. M., & Johnston, L. (2000). Screening Job Applicants: The Impact of Physical Attractiveness and Application Quality. International Journal of Selection and Assessment, 8(2), 76‑84. https://doi.org/10.1111/1468-2389.00135